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Article du journal l'Alsace le 30 septembre 2022

À Orschwihr, le bonheur est dans la vigne

Les vendanges restent un moment particulier. Elles constituent le jour de vérité du travail de toute une année. Reportage dans la bonne humeur auprès des vendangeurs du domaine François Braun, qui exploite 22 ha de vignes à Orschwihr, Rouffach et Westhalten.

Par Laurent BODIN - 30 sept. 2022 à 06:00 | mis à jour le 30 sept. 2022 à 15:53 - Temps de lecture : 4 min

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Yvette et Lucienne, retraitées heureuses de vendanger au domaine François Braun à Orschwihr.  Photo L’Alsace /Hervé KIELWASSER

 

En ce mercredi de mi-septembre, le soleil illumine le vignoble alsacien. La vue depuis les hauteurs du Bollenberg, à Orschwihr, est magnifique. Du soleil sans grosse chaleur, cela ravit aussi la vingtaine de vendangeurs qui s’activent sur une parcelle de pinot noir du domaine François Braun. Ce dernier, basé à Orschwihr, possède des vignes dans la commune, mais aussi à Rouffach et Westhalten. La journée a débuté en retard, la faute à trois vendangeurs qui ne sont pas venus. « On recrute par le bouche-à-oreille et sur leboncoin, mais c’est de plus en plus difficile », observe Philippe Braun, propriétaire, avec son frère Pascal, du domaine de 22 ha fondé par leur grand-père François. « Attendre des gens qui ne viennent pas, c’est problématique », note le vigneron, qui vendange seulement par beau temps.

Philippe et Pascal Braun, propriétaires du domaine François Braun, trinquent à une récolte 2022 satisfaisante en qualité comme en quantité. Photo L’Alsace/Hervé KIELWASSER

Une moitié en vendange manuelle, l’autre en machine

Ici, les vendanges ont débuté le 31 août. Le plus gros est désormais fait. Resteront les grands crus, vendangés tardivement seulement par le personnel du domaine qui emploient six personnes, en plus de Philippe et Pascal. La moitié des vendanges est assurée par une machine via un prestataire, l’autre moitié manuellement. « Le cahier des charges ne permet pas de vendanger grands crus et crémant à la machine. Le pinot noir, c’est un choix de faire une vendange manuelle, même si le coût est plus important », remarque Philippe.

 

La moitié des 22 ha du domaine François Braun, qui emploie six salariés, est vendangée à la machine.   Photo L’Alsace /Hervé KIELWASSER

Les retraités présents en nombre

Depuis que la rentrée universitaire a été avancée d’octobre à septembre, les étudiants se font rares parmi les vendangeurs. Les demandeurs d’emploi et même les personnes percevant le RSA, qui peut être cumulé avec une activité de vendangeur, sont aussi peu nombreux. Ce sont donc les retraités qui forment le gros des troupes. Il y a des nouveaux, à l’instar de Jacques Perrin. Ce nouvel habitant de Soultz découvre moins la vigne que le sécateur : avant sa récente retraite, il a tenu une cave à vin, pendant dix ans, à L’Isle-sur-le-Doubs. Yvette, de Lutterbach, et Lucienne, de Jungholtz, vendangeuses chez François Braun depuis trois ans, s’offrent, elles, « une cure d’oxygène et un cours de gymnastique fait de petits pas et d’activité manuelle avec le sécateur .  C’est plus sympa que de rester à la maison. L’ambiance est excellente et on prend l’air en bonne compagnie… »

« Si nous étions exploités, nous ne serions pas là  ! », sourit Jocelyne. Cette retraitée d’Ensisheim et sa copine Isabelle, de Buhl, sont les plus anciennes. « Ça fait cinq ans. Quand nous étions salariées, on avait toujours dit qu’une fois à la retraite, on ferait les vendanges. » À deux mètres d’elles, Jeannette joue du sécateur avec facilité. C’est sa 56e année de vendanges. « J’étais employée viticole à mi-temps », sourit cette habitante d’Orschwihr qui « approche les 70 ans ». « La vigne me manque. Donc les vendanges, pour moi, c’est un loisir. Je n’ai jamais eu mal au dos de ma vie  ! », se réjouit-elle.

Eddie déverse le raisin dans la benne. Quelques minutes plus tard, il sera au pressoir à Orschwihr.   Photo L’Alsace /Hervé KIELWASSER

La hotte pleine portée à dos d’homme, c’est fini

Pour tous ses saisonniers, les vendanges, c’est aussi l’occasion de mettre un peu de beurre dans les épinards. Les vendangeurs sont payés 10 % au-dessus du Smic, soit 12,18 € bruts de l’heure. « C’est d’abord pour l’ambiance que l’on fait ça, même si on sait qu’on est là pour bosser », confie un vendangeur, en donnant son seau plein à Mickaël. L’un des deux plus jeunes employés viticoles du domaine, avec Cécile, âgée de 25 ans, le vide dans une hotte que personne ne porte sur le dos depuis longtemps. Eddy intervient alors avec un petit tracteur et fait les allers-retours vers la benne. Cette dernière est vidée à la fin de chaque demi-journée, le raisin étant directement versé dans le pressoir, en circuit très court, quelques minutes après avoir été coupé.

Le domaine François Braun vendange manuellement uniquement par beau temps.   Photo L’Alsace /Hervé KIELWASSER

Huit à dix tonnes de raisin par jour

Avant d’aller déjeuner, toujours dans la bonne humeur, avec les vendangeurs autour d’un repas confectionné par un traiteur cernéen, client du domaine François Braun depuis longtemps, le tout accompagné de vin avec modération, Pascal Braun met justement le pressoir en route. Philippe gère la vigne et Pascal la cave. Chaque jour de vendanges, entre huit et dix tonnes de raisins sont pressées chaque jour. « On était inquiet et finalement, on en ressort très confiant », confie Pascal. « Bonne qualité, beaux degrés et bons volumes », résume Philippe, satisfait de vendanges saines, sans pourriture, qui ont évité une opération de tri toujours fastidieuse. Le vignoble alsacien, après avoir tremblé tout l’été à cause de la canicule et des orages, s’en sort bien.

Domaine François Braun et ses Fils